
Contrats hors établissement : check-list à destination des personnes démarchées qui regrettent d’avoir signé trop vite
14/04/2025-
Téléphonie, photovoltaïque, abonnements et annuaires, travaux de rénovation de l’habitat, autant de domaines dans lesquels des commandes sont souvent souscrites à la suite d’un démarchage.
Les avocats sont régulièrement sollicités par des clients qui cherchent à se libérer de telles commandes, soit que la prestation attendue ne soit pas – ou pas correctement – exécutée, soit encore qu’après avoir pris le temps d’une lecture attentive, de la réflexion et de la comparaison, le contrat se révèle inutile ou désavantageux.
Voici les premières questions qu’il convient alors de se poser.
S’agit-il bien d’un démarchage ?
La loi protège le consommateur qui signe un contrat dit « hors établissement » avec un professionnel, en la présence physique simultanée des deux parties ou de leur représentant et en dehors des locaux du professionnel. Cependant, la notion de « contrat hors établissement » s’étend aux contrats conclus dans les locaux du professionnel, mais immédiatement après une sollicitation personnelle effectuée dans un lieu différent, ainsi qu’à ceux conclus pendant une excursion à but commercial organisée par le professionnel.
Le fait pour un professionnel du bâtiment de se rendre chez un client pour prendre des mesures en vue de l’établissement d’un devis transmis ultérieurement par email ne constitue pas un démarchage.
Le démarchage téléphonique fait l’objet de dispositions particulières.
Les ventes à distance (celles conclues par internet notamment) et les ventes conclues lors des foires et salons ne sont pas concernées par les dispositions encadrant le démarchage.
Le délai de rétractation est-il expiré ?
En cas de démarchage, sauf pour certains biens ou services tels que les marchandises périssables, les biens confectionnés selon les spécifications de l’acheteur, les prestations d’hébergement ou de restauration, le consommateur dispose d’un droit de rétractation. Le délai de 14 jours pour exercer ce droit court à compter de la réception du bien, s’il s’agit de la vente d’un bien corporel, ou du jour de la conclusion du contrat dans les autres cas.
Dans le cas d’une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d’une commande d’un bien composé de pièces multiples, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou de la dernière pièce.
Cependant, ce délai est prolongé dans la limite de 12 mois si la personne démarchée n’a pas reçu toutes les informations relatives au droit de rétractation prescrites par la loi. Il convient donc de vérifier avec soin si le bon de commande comporte bien toutes les informations prescrites par le code de la consommation. De même, l’absence de remise au consommateur d’un formulaire de rétractation conforme entraine une prolongation du délai de rétractation.
A cet égard, les tribunaux considèrent que n’est pas conforme le formulaire de rétractation imprimé sur une face du bon de commande comportant, de l’autre côté, l’emplacement destiné à la signature du contrat, puisque l’emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l’intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver.
Et pour les professionnels ?
L’article L.221-3 du code de la consommation étend le droit de rétractation aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.
Les tribunaux ont ainsi admis la rétractation d’un architecte qui avait souscrit un contrat de création d’un site internet, celle d’un entrepreneur individuel qui avait souscrit un ordre d’insertion publicitaire dans un annuaire local et celle d’un pharmacien qui avait conclu un contrat de téléphonie.
L’extension du droit de rétractation aux petites entreprises vaut aussi pour les personnes morales.
Le contrat est-il valable ?
Les informations relatives au droit de rétractation ne sont pas les seules que doit impérativement comporter le contrat conclu hors établissement.
Le consommateur doit recevoir un exemplaire daté du contrat mentionnant notamment l’identité et les coordonnées du professionnel, les caractéristiques essentielles du bien ou du service, le prix, la date de livraison ou d’exécution, les modes de règlement des litiges, s’il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, etc.
A défaut, le contrat est nul et le consommateur peut se prévaloir de cette nullité même après l’expiration du délai de rétractation, dans le respect des règles ordinaires de prescription.
Dans le cas d’une installation photovoltaïque, il a été jugé que pour informer le consommateur des « caractéristiques essentielles du bien », le bon de commande devait non seulement comporter la liste de éléments composant l’installation, mais encore décrire ses caractéristiques techniques en termes de performance, de rendement et de capacité de production.
La jurisprudence est également exigeante concernant la manière d’indiquer le délai de livraison. A l’occasion d’un contrat par lequel le professionnel s’était engagé à fournir, installer et mettre en service une centrale aérovoltaïque ainsi qu’à accomplir les démarches administratives nécessaires à sa mise en service, la Cour de cassation a censuré l’indication d’un délai unique de 4 mois qui n’incluait pas la réalisation de toutes les démarches. Le contrat devait distinguer entre le délai des opérations matérielles de livraison et d’installation des biens et celui d’exécution des autres prestations.
Pour les prestations de dépannage, de réparation et d’entretien dans le secteur du bâtiment et de l’équipement de la maison s’applique l’arrêté du 24 janvier 2017 prescrivant notamment la remise d’un devis détaillé mentionnant distinctement le prix des pièces et de la main d’œuvre. Le consommateur doit être informé qu’il peut conserver les pièces, les éléments ou appareils remplacés
Pour certains biens, le démarchage est prohibé (par exemple produits financiers à risque, or) ou fortement encadré (services bancaires et financiers); le contrat conclu au mépris de cette interdiction est nul.
Le contrat est-il entré en vigueur ? N’est-il pas caduc du fait de la disparition d’un autre contrat lié ?
Si le contrat conclu par voie de démarchage est financé par un crédit affecté, le défaut d’octroi du crédit, par exemple en raison du refus d’agrément de l’emprunteur par l’organisme de financement, entraine la caducité du contrat principal. Réciproquement, l’invalidation du contrat de vente ou de prestation de service entraine de plein droit celle du crédit affecté, en raison de l’interdépendance entre ces contrats.
Le consommateur qui exerce valablement son droit de rétractation du contrat principal ou du contrat de crédit affecté se libère par ce biais de l’autre contrat.
Les contrats qui s’inscrivent dans une opération incluant une location financière sont de même interdépendants. C’est le cas du contrat de location financière et du contrat de maintenance portant sur le même bien.
Ainsi la nullité de la commande peut entrainer la nullité de la location financière, le défaut de conformité ou de fonctionnement du matériel permet de demander la résiliation anticipée du contrat de location financière et le non-respect des obligations de maintenance peut justifier la suspension du paiement des loyers.
Les délais d’exécution sont-ils respectés ?
Lorsque le professionnel ne respecte pas le délai de livraison ou d’exécution convenu, le consommateur peut se libérer du contrat en notifiant au professionnel sa résolution.
Cependant, à moins que le respect du délai ait constitué pour le consommateur une condition essentielle du contrat – ce que le consommateur devra prouver – ou qu’il soit manifeste que la livraison ou l’exécution n’aura pas lieu, le consommateur doit, avant de résoudre le contrat, mettre en demeure le professionnel de livrer ou de fournir le service dans un délai supplémentaire raisonnable.
Et si le démarcheur a obtenu la signature de façon déloyale ?
Dans certains cas extrêmes pourra être invoquée la nullité du contrat conclu à la suite de pratiques déloyales ou trompeuses, voire le délai pénal d’abus de faiblesse.